Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté le 26 juin 2019 un avis intitulé « Éradiquer la grande pauvreté à l’horizon 2030 ». Ce texte a été co-présenté par Marie-Hélène Boidin-Dubrule, membre du groupe des entreprises, et Stéphane Junique, président du groupe de la Mutualité, qui en expose les enjeux.
Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté le 26 juin un avis sur la grande pauvreté. Quel est l’objectif de ce texte que vous avez co-présenté ?
Stéphane Junique – Aujourd’hui, en France, 5 millions de personnes vivent dans la grande pauvreté. Cette situation est inacceptable. Notre pays s’est engagé à éradiquer la grande pauvreté à l’horizon 2030, dans le cadre des objectifs de développement durable de l’Organisation des Nations unies. Il est indispensable de respecter cet agenda et, pour cela, nous devons agir avec résolution. Oui, l’objectif est ambitieux. Les différentes stratégies et plans gouvernementaux mis en place jusqu’à présent nous ont montré à quel point l’amélioration de la situation est lente, trop lente.
Par exemple, les chiffres du non-recours aux dispositifs sont impressionnants ! Le non-recours au RSA, le revenu de solidarité active, dépasse les 35%. Par ailleurs, 30% des personnes qui pourraient recourir à la CMU-C, c’est-à-dire la couverture maladie universelle complémentaire, et disposer ainsi d’une couverture santé complète, n’y recourent pas… Or il est possible d’agir pour permettre un meilleur accès aux droits. Nous devons nous mobiliser différemment et plus intensément pour que le droit humain à la dignité devienne une réalité concrète.
Que préconise le Cese pour éradiquer la pauvreté ?
Stéphane Junique – Les préconisations de notre avis se déclinent autour de cinq priorités : instaurer un revenu minimum social garanti ; simplifier l’accès aux droits afin de réduire le non recours ; reconnaître un droit effectif à l’accompagnement ; créer les conditions pour faire de l’éradication de la grande pauvreté une réalité en 2030 ; soutenir l’action des acteurs de la solidarité et la mobilisation de la société en faveur de la lutte contre la grande pauvreté.
Pour construire notre avis, nous nous sommes attachés à recueillir la parole des personnes concernées. Il n’y aura pas de victoire sur la pauvreté si les personnes qui la vivent ne sont pas les actrices de l’invention des solutions, en partant de leurs réalités de vie et de leur expertise d’usage. Nous devons penser à hauteur de femme et d’homme. Leurs témoignages nous ont guidés dans l’écriture de certaines préconisations, comme celle qui vise à garantir le versement du RSA jusqu’au premier versement de la pension de retraite.
Nous avons poursuivi le travail du Cese en matière d’instauration d’un revenu minimum social garanti qui nous semble être l’une des clés de la lutte contre la grande pauvreté. Mais il faudrait que ce revenu respecte certains principes : s’attacher à la personne et être accessible dès 18 ans sous certaines conditions, offrir un droit à l’accompagnement social et à l’insertion professionnelle. En outre, un principe simple pourrait être retenu pour en fixer le montant : personne en France ne devrait vivre avec moins de 50% du revenu médian.
Quels sont les prérequis pour mieux agir en ce sens ?
Stéphane Junique – En définissant un cadre clair et des principes d’actions, nous avons cherché à améliorer la gouvernance des dispositifs mais aussi la reconnaissance et la valorisation des travailleuses et travailleurs sociaux. L’objectif est de leur permettre d’exercer leur métier qui est fondamentalement d’accompagner au mieux les personnes dans la durée et la proximité.
Nous proposons l’adoption en 2020 d’une loi de programmation de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Cette loi définirait les grands objectifs à atteindre pour les dix années à venir et décrirait les moyens que l’État prévoit d’y consacrer, sur le modèle des lois de programmation militaire. Elle favoriserait ainsi l’engagement de notre pays pour éradiquer la grande pauvreté à l’horizon 2030, en consacrant ce combat comme priorité nationale.
Enfin, l’action des acteurs des solidarités actives doit être soutenue, notamment à travers la reconnaissance de l’engagement des bénévoles qui agissent au quotidien pour accompagner les personnes en grande pauvreté, les aidant à rompre l’isolement social dans lequel elles sont trop souvent enfermées.
Bien sûr, tout cela n’a de sens que si nous renforçons la participation des personnes concernées dès la conception des politiques de lutte contre la grande pauvreté, et jusqu’à leur évaluation. Cette co-construction est indispensable à la prise en compte réelle de leur expérience, de leurs besoins et de leurs aspirations.
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Lire l’avis du Cese sur la grande pauvreté
Paula Ferreira
© Agence fédérale d’information mutualiste (Afim)