La Mutualité Française et l’Association des maires de France (AMF) ont dévoilé la 3e édition de leur Baromètre santé-social, panorama de l’offre de soins et de l’action sociale. En Normandie, les données mettent en lumière une réalité contrastée : des points d’appui solides, mais aussi des fragilités fortes en santé mentale.
L’accès aux soins demeure le principal point de tension entre ce que les Français attendent du système de santé et ce qu’ils vivent au quotidien. Au cours des 12 derniers mois, 65 % d’entre eux ont renoncé à des soins. Les difficultés déjà connues en matière de démographie médicale, avec plus de 6 millions de personnes privées de médecin traitant selon la Drees, ne se sont pas résorbées, et se sont même accentuées dans de nombreux territoires normands.
Accès aux soins : une Normandie à plusieurs vitesses
Avec une moyenne nationale de 146 médecins généralistes pour 100 000 habitants, la Normandie apparaît en tension. Le Calvados (171) est bien doté, la Seine-Maritime (142) proche de la moyenne. La Manche (127) et l’Orne (132) sont en retrait. Avec seulement 88 généralistes pour 100 000 habitants, l’Eure est en revanche le 3e département français le moins bien doté. La situation s’y dégrade encore avec une baisse du nombre de généralistes entre 2023 et 2024, également marquée dans l’Orne.
La permanence des soins ambulatoire (PDSA) vient cependant nuancer ce tableau. Au niveau national, 40 % des médecins généralistes participent à ce dispositif. En Normandie, les taux disponibles sont nettement supérieurs : 57 % dans l’Eure, 58 % dans la Manche et 65 % dans l’Orne. Malgré la pénurie de médecins, ces chiffres témoignent d’une forte mobilisation locale pour maintenir une réponse médicale de proximité hors des horaires habituels et limiter le recours aux urgences.
Cependant, l’étude souligne que des solutions émergent de la base. Les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), soutenues par les maires et les mutuelles, les maisons de santé ou encore les contrats locaux de santé (CLS) continuent de se déployer pour organiser les soins non programmés et améliorer la coordination ville-hôpital. Ces dispositifs de proximité sont la preuve qu’une médecine territoriale et collaborative est possible.
La santé mentale au cœur de l’urgence sanitaire
Avec une moyenne nationale de 103 psychologues pour 100 000 habitants, la Normandie apparaît globalement dans la norme, mais avec de fortes disparités. Le Calvados (125), la Seine-Maritime (113) et l’Orne (109) sont mieux dotés que la moyenne. À l’inverse, l’Eure et la Manche, toutes deux à 80 psychologues pour 100 000 habitants, font partie des 8 départements les moins bien dotés de France.
Le dispositif Mon Soutien Psy accentue ce constat. Alors que la France compte en moyenne quatre psychologues participants pour 100 000 habitants, aucun département normand n’atteint ce niveau : trois dans le Calvados et la Manche, deux dans l’Eure et en Seine-Maritime, et seulement un dans l’Orne, parmi les tout derniers départements au niveau national. L’accès aux consultations remboursées reste donc plus difficile qu’ailleurs, y compris là où la densité de psychologues est correcte.
La densité de psychiatres dessine le même paysage contrasté. La moyenne nationale est de 19 psychiatres pour 100 000 habitants ; le Calvados (24) et la Seine-Maritime (21) se situent au-dessus de ce niveau. L’Eure (11), la Manche (12) et l’Orne (11) sont en revanche très en dessous, l’Orne figurant même parmi les dix départements les moins bien dotés. L’accès à un suivi spécialisé reste ainsi très dépendant du lieu de résidence.
Les centres médico-psychologiques (CMP) jouent un rôle d’amortisseur. Au niveau national, on compte six CMP pour 100 000 habitants. En Normandie, la Manche se situe à ce niveau, la Seine-Maritime (5) et le Calvados (4) un peu en retrait, tandis que l’Eure (3) confirme ses difficultés. L’Orne fait figure d’exception avec sept CMP pour 100 000 habitants, mieux que la moyenne nationale.
Santé mentale des jeunes : une situation préoccupante
Le Baromètre met en lumière un indicateur très préoccupant : au 1er janvier 2025, les cinq départements normands affichent tous moins d’un pédopsychiatre pour 100 000 habitants de moins de 15 ans, alors que la moyenne nationale s’élève à 1,7. Cette absence de spécialistes accroît le risque de retard dans le repérage et la prise en charge des troubles psychiques chez l’enfant et l’adolescent.
Dans ce contexte, les maisons des adolescents (MDA) deviennent des points d’appui majeurs. La moyenne nationale est de 18 MDA pour 100 000 habitants de 11 à 25 ans. En Normandie, le Calvados et la Seine-Maritime (9) se situent nettement en dessous de ce niveau, l’Eure (11) reste un peu en retrait. À l’inverse, la Manche (31) et surtout l’Orne (41) se distinguent et figurent parmi les départements les mieux dotés de France. Ces structures jouent un rôle essentiel de repérage, d’écoute et d’orientation des jeunes, mais elles ne remplacent pas la présence de pédopsychiatres.
Pour la Mutualité Française Normandie, ces résultats confirment un double enjeu : alerter sur les inégalités territoriales d’accès à la santé mentale et valoriser les dynamiques locales déjà à l’œuvre, notamment autour des maisons des adolescents, des CMP et de la permanence des soins. Ils appellent à renforcer les partenariats entre mutuelles, élus locaux, professionnels de santé et acteurs sociaux, afin de développer la prévention et co-construire des réponses adaptées aux réalités de chaque territoire normand.