Attentats : « Ne transmettez pas vos peurs aux enfants »

Les attentats perpétrés sur le sol national dans des lieux publics et populaires éveillent chez les adultes et les enfants, des peurs et des angoisses. Face aux questions des plus jeunes, il est essentiel de garder son sang-froid, comme l’explique le Dr Philippe Duverger, pédopsychiatre au CHU d’Angers.

Avec les tout-petits enfants, « précisons qu’ils sont surtout sensibles à la façon qu’ont leurs proches de vivre les choses », rappelle le Dr Duverger. « Inutile d’employer des mots qu’ils ne comprendraient pas, le regard de l’adulte, sa voix, son calme seront bien plus importants pour lui. »

Pour rassurer les plus jeunes, avant l’âge de 5 ou 6 ans, « il faut essayer de continuer à vivre comme avant », poursuit-il. S’ils posent des questions, « racontez simplement ce qui s’est produit, sans dramatiser, sans être vous-même pris dans l’angoisse et la sidération ». Car malgré tout, « il ne faut pas les laisser dans le silence », ajoute-t-il. « Pensez aussi à les laisser s’exprimer, par la parole, le dessin… »

Rassurer l’enfant

Autre élément important, « essayez de ne pas transmettre votre angoisse et votre peur, même si elles sont légitimes », explique-t-il. En effet, contrairement aux adultes qui possèdent une expérience, une réflexion et une maturité plus importante, « les tout petits ne sont pas capables d’intellectualiser, de rationaliser, encore moins d’essayer de comprendre ces événements ». L’objectif d’une explication avec un enfant de cet âge doit être de le rassurer.

Avec l’enfant scolarisé, comme a fortiori avec le tout petit, « évitez de le laisser trop longtemps face aux images télévisées des attentats », conseille Philippe Duverger. « Il n’a pas les moyens de les décoder. Notre rôle en tant que parent est de les épargner ! » Même recommandation concernant les débats d’experts. « Ne les laissez pas des heures assister à des émissions de débats contradictoires. Ils ne comprennent rien et cela peut les angoisser ». En somme, « le choc des images et la fascination des parents face à la situation sont nocifs car ils sont source d’angoisse et non de compréhension ».

Entre 6 et 10 ans environ, « il faut que les parents expliquent la situation en termes simples, compréhensibles et adaptés à la maturité de l’enfan », ajoute-t-il. Sans oublier de « s’assurer qu’il a bien compris ». Dans le fond, l’enfant se demande : « est-ce que les terroristes vont venir chez moi ? Est-ce que nous sommes en danger ? » Le rôle des parents comme de l’école, est de rassurer. « Tout en rappelant nos valeurs de liberté, de solidarité, de fraternité.. »

Partager et se soutenir

Quel que soit son âge, si l’enfant doit être informé, « il faut aussi qu’il se sente en sécurité », poursuit Philippe Duverger. Les parents doivent donc relativiser. « Les terroristes existent, mais ils sont une minorité », par exemple. Si reprendre une vie « normale » est difficile partout en France, c’est encore plus vrai à Paris. « Il faudra du temps bien sûr, mais il faut essayer de retrouver le plaisir d’être ensemble, du côté de la vie, essayer de continuer à vivre comme avant », conseille-t-il. « Pour les petits Parisiens notamment, le retour à l’école, les joies du sport seront autant d’aides pour combattre la peur. » Et si c’est trop difficile ? « A plusieurs c’est plus facile. Invitez des amis, les voisins, pour partager, se soutenir et essayer de tourner des pages, sans pour autant oublier… »

Source : interview du Dr Philippe Duverger, pédopsychiatre CHU d’Angers sur le site www.prioritesantemutualiste.fr